Le vendredi 22 novembre 2024, l’Ambassade d’Haïti à Washington a accueilli un public captivé pour sa dernière édition des « Vendredis culturels ». Cette édition spéciale a présenté une conférence intitulée « Autour de l’Histoire du style musical d’Haïti : panorama de la musique classique », animée par le professeur émérite et musicologue Claude Dauphin, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). L’événement a offert un regard inédit sur l’histoire riche et complexe de la musique classique haïtienne, explorant ses origines, ses transformations, et ses figures marquantes.

La conférence a débuté avec une exploration de la période coloniale, où la musique en Saint-Domingue (Haïti avant son indépendance) s’est nourrie des influences européennes. Le professeur Claude Dauphin a procédé à une analyse du processus de créolisation du répertoire français entre 1750 et 1791, mettant en lumière des œuvres instrumentales remarquables comme celles de M. Suffren (six sonates pour deux violons, composées en 1778) et de Joseph César, un violoniste talentueux.

Le théâtre et l’opéra de cette époque ont également été au centre de l’exposé, avec un focus sur les parodies créoles d’œuvres françaises telles que Le Devin du Village. Ce mélange culturel unique a donné naissance à des chansons emblématiques comme Lisette quitté la plaine, le premier poème créole, et des créations mémorables telles que Jeannot et Thérèse, un opéra-comique de Sieur Clément.

Par la suite, le Docteur Dauphin a abordé l’évolution musicale après l’Indépendance. En effet, avec l’Indépendance en 1804, Haïti a développé une identité musicale propre. Le musicologue a mis en lumière les créations du Royaume du Nord sous le règne de Henri Christophe (1811-1820), une période où des œuvres orchestrales officielles ont émergé pour refléter la grandeur de la jeune nation.

Un des moments forts de cette période est le travail d’Edmond Saintonge (1861-1907), considéré comme un précurseur à l’École nationale de composition d’Haïti, avec des œuvres mémorables telles que Meringue élégie. L’époque a également été marquée par la musique officielle de figures telles que Occide Jeanty (1860-1936), dont les compositions patriotiques et orchestrales ont joué un rôle essentiel dans la musique haïtienne du XIXe siècle.

Une partie majeure de la conférence a été consacrée à l’histoire de l’École nationale de composition d’Haïti, fondée en 1905. Le professeur a détaillé les trois ères qui ont marqué son évolution :

  1. Les pionniers (1905-2005), avec des compositeurs tels que Justin Élie, Werner Jaegerhuber, Frantz Casséus, Carmen Brouard, et Ludovic Lamothe, qui ont jeté les bases de la musique classique haïtienne.
  2. Les héritiers locaux, qui ont modernisé cet héritage tout en restant fidèles aux traditions. Cette ère comprend des compositeurs tels que : Lina Mathon, Solon Verret, Edouard Woolley, Robert Durand, Ipharès Blain, Michel Dejean, Serge Villedrouin, Férère Laguerre, Emile Desamours.
  3. Les compositeurs en diaspora, qui continuent de faire rayonner la culture haïtienne à travers le monde.

La conférence s’est conclue par une discussion enrichissante sur la forme musicale en Haïti. Des extraits d’œuvres emblématiques ont été présentés pour illustrer l’évolution de cette riche tradition musicale. Claude Dauphin a également souligné l’importance de préserver et de transmettre ce patrimoine aux générations futures tout en l’adaptant aux nouveaux contextes culturels et technologiques.

Cette conférence a permis de voyager dans le temps, à travers une tradition musicale unique, mêlant influences européennes et africaines, portée par des figures visionnaires. En retraçant ce panorama, le professeur Claude Dauphin a démontré que la musique classique haïtienne est un trésor inestimable, méritant une place prépondérante dans le patrimoine mondial.

 

Rendez-vous pour nos prochains événements culturels !